Eh oui.
Ici même.
Le pas lent, ou le lent pas
Allumé bien sûr
Mais pas plus que le merle qui chante.
Mais pas le merle de la pensée
Ni le lent pas pas là,
O langage traitre.
C’est ici.
J’entre dans le centre commercial.
Vite vite vite, J’en profite, dit une promotion
Je sors du centre commercial.
Je traverse la rue Bobillot, puis la rue du Père Guérin.
Je remonte les pavés de la rue Gérard.
« C’est l’ici, dit l’ailleurs »
Et moi qui ne sais rien d’une fleur de glycine.
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Être au cœur
Il n’est pas rouge, mais vert
Vers ici au cœur.
Dans l’allée, des nuées de moucherons indisposent le passant
Cela fait deux décennies que j’écris et : Il y a de la vie partout partout Partout
Le geai des chênes furtif se pose près du banc
Je le suis du regard de feuille en feuille, parmi les mésanges festonnant dans la nuée des branches
À écouter de loin de près, à décentrer l’attention, l’homme est une petite part.
Une grive musicienne s’est mise à chanter; ou je l’écoute ou j’écoute
Nous sommes une petite part de la grande part.
Expérimenter la langue pour
mieux voir, mieux entendre.
Expérimenter, exprimer.
Quémander aux dieux comme le sansonnet la miette
et l’humain un chant neuf, recommencé.
Quitter, quitter, mais quitter quoi ?
Quitter pour mieux deviner la forme du reflet.
Sur l’avenue des Gobelins, la voiture du cirque Zavatta passe au ralenti, et nous informe du spectacle qui vient, avant le défilé du 1er mai, après les feux d’artifices des financiers.
Les moucherons ont leur nuée.
Ici, tout est tracé.
Apprendre à voir comme le chien sent,
Peut-être est-ce le chemin de la rédemption,
la mie, la mie tendre, mais lui à cet instant veut la croute,
la racine qui ouvre le ciel.
le souffleur de feuilles
souffle les fleurs
du cerisier
Il n’y a plus d’histoires à raconter. Le merveilleux est mort. En était-il autrefois de telles assertions possibles ? Dans la petite allée les passants s’en vont, certainement au travail. Et les quelques retardataires, à moins qu’ils s’agissent de retraités, mais certainement des humains, sont à leurs fenêtres. Je suis la seule personne dans le jardin assise sur le banc. Il pleut. Il ne pleut pas des cordes, mais des gouttes tombent et font leur bruit sur la capuche. Le cerisier s’est vêtu de ses pompons de fleurs. Outre cette magnificence la nature pourtant silencieuse semble être présente au jour. Que dis-je, elle semble consciente. Il n’est plus d’histoire à raconter, dans le cœur des hommes. Peut-être le merveilleux s’est-il déplacé en son origine. Un groupe d’écoliers traverse le chemin. Il s’agit certainement d’une classe. On voit la flamme encore virevolter au-dessus de ces jeunes statures en mouvement. Je ne sais pas bien ce que le merle pense de nos présences, mais il regarde les passants, lui aussi, tout en avançant, en sautillant. Il pleut plus encore. La narration est elle possible encore dans le cœur des hommes ? Qui s’est arrêté devant le cerisier en fleurs ? Le merle rend grâce.
Voir revoir
Voir à nouveau le présent,
Voici mon espérance ;
Le présent Immédiat
Le présent d’avant le présent
Le présent joueur ;
Jou-eur, dites-le à votre guise,
Mais si vous l’écrivez
Séparez bien les lettres, mettez-y du vide
Ne vous laissez pas dompter par la chaise.
A vous asseoir, riez
Chaque fois que le mouvement de vous asseoir s’opère, riez.
Riez. Riez riez riez !
Mais il est déjà tard :
Je suis assis dans la chaise et la chaise vit en moi.
Le présent s’éloigne.
Je ne pourrai plus rien écrire je pense, à moins de tout, radicalement changer.
Je ne pourrai plus rien écrire je pense à moins de tout changer radicalement.
Ce n’est plus une question de sens, ni de situation,
De conforter le néant ou le réel,
le nez en l’air, ou le corps dans la pagaie (gai savoir, va)
Non là est plus profond.
Un l’un dit : « une forme particulière qui épouse la matière. »
Fini les rêves aussi, la transcription au réveil, ou la plongée dans la nuit, la forme ou l’abime,
le genre aussi, même si l’oiseau (compagnon reste fidèle) aux choses.
Le mot : comme continuité de la matière.
(Selon une condamnation au non silence.)
Note, 08.08.2022
Il y a, à cet instant, de vide, un extérieur qui m’oppresse. Non pas l’extérieur, mais la banale réalité des jours à venir. Non pas la banalité des jours à venir, mais ce à quoi, si vous êtes normalement constitué, c’est-à-dire de joie et de silence intérieur vous tenteriez d’échapper : Une tapisserie dont l’être s’est affublé aux limites même d’un ailleurs pour tenter de constituer un soi, un soi raisonnable, afin de traverser la vie. La vie, moins direction que charges, que charges d’âmes dont l’équipage doit prendre soin. Cet extérieur vient taper au centre de l’ici alors que je réussissais à m’extraire. Mais il reste ce centre, et je le vois, à cet instant je le ressens, comme un foyer vivant. Une poche de respiration d’où tout peut repartir. J’en mesure la hauteur et la profondeur pour être sûr de ne pas l’oublier. Ici la maison fait ses propres bruits. Le temps sort de l’horloge, de son corps mécanique, et le paysage doit être tu. Mais je ne manque pas de constater, dans la baie, le vol d’oiseaux, une dizaine, des palombes dans le ciel blanc, groupées, avec une forme fantasque d’un caractère en devenir. Et à quelques doigts du regard, sur la paille, les petits signes – moineaux, mésanges – de ponctuation, sauvages. Enfin c’est peut-être se souvenir qu’à l’endroit du vide, on peut ôter une lettre sans rien céder. On peut supprimer sans rien céder.
Ce même lieu il pourrait tout arriver, bien sûr. Mais les personnages se déplacent déjà dans une fiction. Je regarde : je ne trouve pas les mots. Il y a le merveilleux certes. Mais il y a les voix aussi dans la station de métro qui me ramènent à la fiction des lieux, des personnages. Les livres seraient-ils des bougies, dans cet univers, contraint par ses peintures pariétales, elles sont fragiles. Elles n’ont pas fini de se consumer qu’elles sont déjà éteintes, dans le meilleur des cas, laissant de nouveau apparaître la grotte et ses peintures. Je suis trop sombre, je ne devrais pas. Le retard de mon train, ou plutôt l’accident de ce matin, m’a permis de – changer de ligne. Et tant bien même je serais maintenant perdu, tant bien même le chemin suivrait celui de l’intuition et non celui des pas vers lequel le regard pointe, j’ai appris à me repérer. Je sais avancer sans voir. Je veux dire sans voir dans ce monde saisi. Alors oui, cette nouvelle ligne à présent, alors oui me conduit elle, est-elle censée me conduire, au même endroit, celui de mon travail, comprenez que l’excitation soit forte ! Et si j’avais, est-ce la bonne phrase, et si j’avais trouvé – un minuscule caillou. Mais un caillou bien à moi que je puisse saisir. Un caillou de la dimension d’une montagne. Je ne veux pas aller plus loin. Cela me suffit. J’aurai loisir de le saisir, de la contempler. J’aurai gagné ma journée. Je serai déjà sauvé. Dans la dignité. Que fait la dignité d’être humain ? je me pose la question. Je me pose la question à la lumière des fleurs dans le talus, à la lumière d’une narcisse qui brille de mille éclats au milieu d’un amas. Je me pose la question à la lumière de l’arbre qui se déploie. Cette dignité, dans quoi serait-elle contenue, demande-t-il ? Pour faire soi aussi partie de la ronde des vies.
Le soleil entre jusqu’au rêve
Corps conscience, écuelle,
Tous les chiffons de la veille baignent encore,
tandis que le corps a repris le chemin du jour.
Trains en retard, lignes se défaussent ; qu’y pouvons-nous ?
Le soleil dans la vitre rêve-t-il parfois,
Se prend-il pour une étoile, lointaine,
tandis que partout les hommes ont réveillé le jour
Ont secoué ses puces.
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