S’imprégner du paysage
De la mer
Comme un assoiffé sans pain
Sans vin
Et dire J’y étais, ou mieux
J’y suis encore.
Mais comme puis-je dire J’y suis encore
Par quel miracle ?
Le temps emporte le sable,
La mer lacère la roche à coups de langue ;
Et les passants passant là passent
le pied moins arrimé à la terre qu’une patte de goéland.
Alors par quel miracle pourrais-je dire J’y suis encore ;
Par le miracle d’un banc
D’un banc, d’où le ciel peut voir
D’où la mer peut entendre,
et la lumière s’émouvoir,
D’où le miracle peut se contempler en tant que miracle.
Catégorie : Poèmes (Page 9 of 31)
Journal des poèmes
Et s’il n’y avait plus rien de tout ça. Si la voix du merle, si le contour de la feuille, si l’atmosphère générale de paix, si l’air que je respire, étaient remplacés par par je ne sais quoi – de factice, de méchant ou de marchand, car quoi je ne suis pas obligé de m’installer dans un endroit payant, car quoi tout ceci m’est accessible, est à moi, où le moi est à tout ça, et peut aller par le jeu du regard, du cœur, d’un lieu à l’autre, d’une branche au tulipier comme l’oiseau ou la pensée légère. Tout ceci qu’ils n’ont pas pris, qu’ils n’ont pas su arracher. Placez-moi en prison. Tout ceci resterait. Il resterait un coeur. Néanmoins que le nôtre fut emporté. Tous ces hommes autour de la margelle qui regardent dans l’eau, ou leur reflet. Mais ceci, ils ne peuvent le prendre. Ni même l’interpréter. Ils sont condamnés à rêver, errer ou regarder. Ils ne peuvent le prendre, ceci qui tient dans le regard.
Et si je m’étais trompé,
d’espace totalement.
Bien sûr c’est évident, dit-il à présent qu’il voit,
et que la mauvaise toge qu’il tisse la nuit est à ses pieds.
C’est évident.
Non pas ici sur la barre métallique, dans un coin de la station RER, sous l’écran des destinations, mais –ici !
On ne sait pas s’il s’agit de la mer,
ou du regard qui la contemplerait.
Mais attention aux mots qui sont aussi glissants qu’une grève en pente mouillée qui vous emporte au moindre poids.
Ici, – ici ! Tout est calme.
Et il se met à rêver que l’écran au-dessus de soi, lui indique une autre nouvelle,
une autre destinée.
Le besoin
Le besoin de
De
Délicatement
Sans rien presser
De
Rien
De
De
De devenir de
Et,
Et rien
Il y a deux de à présent,
Et le dehors.
Le soleil, cette main.
Jour naissant
La plume hésite, dans quelle direction
Dans le RER, chacun la sienne
Mais ici chez moi, le point vibre
Le soleil est déjà haut
de deux doigts au-dessus des cheminées, du grand incinérateur
Elles dorment à cette heure.
On érige aussi vers le ciel : Dix à
douze grues, mon œil compte.
Il y a des tags aussi, sur les réclames sur des murs.
Le corps de mon voisin ronfle,
Le soleil sur la Seine scintille.
La voix dans le RER annonce Choisy-Le-Roi.
Choisy-Le-Roi : Mais pour quel royaume ?
Si le trône était un point,
impossible de m’asseoir,
il est chargé magnétiquement,
Et moi-aussi.
Jour après jour, il s’étend une ombre sur les pages. Des figures de loup ou de renard. Mordantes assoiffées Trépignantes d’inconnu Et le soleil noir se lève.
Autour, le monde a revêtu sa fixité.
Est-ce pour ne pas déranger les morts ?
Il y a tellement de portes aujourd’hui qu’on ne sait plus laquelle fermer, laquelle ouvrir.
Les morts sont loin, les vivants aussi.
Où va-t-on
L’espace du train m’indique le haut lieu d’une destination vide,
Alourdi par la fixité des problèmes
comme seul point d’horizon
Comme si la branche était cassée, tenait dans ma main.
Destination vide : joueuse et joyeuse, heureuse.
Dehors, le décor de carton-pâte m’effraie un peu
Mais à vrai dire il ne dit rien, lui non plus ;
Et la nature où se cacher.
Le merle lui ne se cache pas, sauf dans son chant.
Elle est passée, la floraison du cerisier
Mais il reste
Un deux, trois pétales
Une poignée de jours que le vent emporte ;
Et le discret zinzulement d’une mésange.
Je suis venu trop tard, ou mon temps est-il fait.
Corneille hilare.
Les années ont donné une écorce puissante
Au tronc du cerisier
Et ses racines vont puiser dans la bouche d’un mort.
Chaque homme est dans son monde.
Chaque homme est dans son monde
Chaque voiture est un monde
Chaque voiture : un petit monde
au ralenti. Sur la route, le soleil décline.
De l’autre côté de la route, l’oiseau
l’oiseau est sur sa branche.
L’oiseau est dans son chant.
J’ai épuisé l’espace
C’est cela
L’espace n’a plus de suc, a perdu sa vitalité, toute
Un décor de carton pâte, sans carton sans mystère sans pâte.
Le balayeur qui passait là : aurait perdu sa montre
La nature, plus de nature, nous réconforte ; elle ne dit rien.
Une voix féminine parle à présent dans mon dos
et le soleil couvre le visage des passagers assis dans le RER
Et moi ? et moi ? A quoi ressemblé-je ?
Suis-je même désirable.
Le train va me déposer, à quai, comme tous les jours.
Mais non. Le train est à l’arrêt.
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