Je suis chez moi, en moi. Une envie immense me prend de pleurer. Le ciel est tout à fait bleu, et devant moi apparaît le toit du Panthéon. En levant les yeux je vois la Tour Eiffel. Un homme s’est jeté dans le vide il y a quelques mois. Ecrire pourrait être la façon la plus simple d’échapper au réel. C’est peut-être la raison pour laquelle je n’écris pas assez – avec difficulté. Ce pourrait être une manière de produire ce roman, cette épaisseur qui ne vient pas… C’est peut-être la raison pour laquelle personne ne s’arrête tout à fait de tourner, de transformer les secondes en agitation, d’un point à l’autre de la Terre, de l’appartement, qu’il est si difficile d’être sage de se poser. L’étrange familiarité me saisit en me trouvant dans cette pièce, de me sentir chez moi, de l’avoir toujours sue, alors que les clés m’ont été remises tout à l’heure. Je regarde en direction du dôme. Le travail pécunier ne vient pas. Peut-être a-t-on décidé de m’accorder un temps, aujourd’hui. Le bruit qui vient est celui d’une soufflerie, basse, tout à fait réconfortante, car lointaine ; et des bruits de la structure comme le vent est présent. Ici, je me sens tout à fait chez moi. Je pourrais m’installer dans cette pièce : qu’apporterai-je ? Quelques livres de poèmes, peut-être oublierais-je le reste, je veux dire tous les ouvrages scientifiques, des naturalistes, les livres d’économie. Je garderais les livres comme les reliques d’un lieu simple, de ces chapelles qu’on trouve au sein de villages abandonnés, au flanc de falaise, mais qui gardent un sens profond de l’hospitalité, par leurs parures essentielles et discrètes, et ces quelques témoignages de visites, qui disent qu’elles ne sont pas oubliées. Il serait un canapé aussi, pour s’asseoir, réfléchir, dormir. Une chaise, une table ; Eh bien sûr le silence. Je n’ai pas d’autres besoins, et rien de cet ensemble ne nécessite aucune agitation. J’ai besoin de cet espace pour écrire ; mais si l’écriture se produit à cet instant, est-ce le fait de cet espace total qui revient au centre de la pièce : peut-on imaginer un écrivain privé de son matériel ? Il serait tout à fait nécessaire de m’enfermer à double-tour ; et de rester longtemps ici ; c’est bien cela : l’écrivain a besoin d’une pièce à soi : un lieu connu de lui seul.