Aujourd’hui, je suis sorti. J’ai la permission. Il fait beau temps. C’est calme. Je n’ai rien d’autre à faire que de sortir. Ça permet de dégourdir les jambes, de découvrir mes corps. Evidemment, il ne faut pas se perdre. Donc je vais d’un point vers l’autre. Je vais ralentir d’ailleurs. C’est bien d’avoir un but. Les regards ne sont pas forcément accessibles, mais je ne daigne jamais m’y essayer ! C’est comme le pigeon ; dès qu’on approche, il s’envole. Pourquoi nous oblige-t-on à supporter tout ce bruit ? Ne me dites pas que je fais du bruit. Je n’ai rien demandé. Peut-être faudrait-il bâillonner les mannequins, et faire meugler la lumière. Les personnes que je rencontre me parlent de leur corps. Savent-elles qu’elles me désignent leurs doigts ? Tantôt le second, tantôt le troisième. Avec trois doigts, tout est dit. Le cinquième se gratte l’ongle. Pour la troisième fois, je refais le chemin. Le soleil vient à ma rencontre. Comme elle est belle la lumière. Veux-t-on la goûter qu’il faille s’arrêter. Je m’assois. Je m’assois sur un banc. Je m’assois sur un banc devant la chaussée. On peut vite s’enraciner ; quelle force ! Et si ? Et donc. Naturellement si le phénomène inverse se produisait, si le silence gagnait le monde, si tout s’arrêtait, alors mes doigts seraient comme les oiseaux et ma main s’ouvrirait ; mais ça, c’est une autre histoire.
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