Avec quelle fraîcheur la pensée peut-elle restituer la vie autour d’elle ?
Que me servira-t-il de nommer un chant d’oiseau, une émotion, si l’émotion elle-meme provoque un vague souvenir d’émotion
Si le chant d’oiseau ne reproduit en rien l’émotion de la phrase.
Nous aurions une pâle copie, d’un souvenir de vacance, d’une photographie dont les visages, les attitudes, ne diraient rien à celui à qui on la tend, sinon le regard poli d’un regard entre deux froncements de cils, avant qu’il ne vous la rende.
Ah, mais ah, le chant de la mésange bleue.
Ça y est
Je ressors du monde
À nouveau je suis dans un parc
Le square Henri Cadiou
Je suis assis sur un banc, à la périphérie du monde
Les huit bancs forment un arc de cercle, une demi-lune, que les promeneurs traversent de part en part,
par le passage qui mène de la rue Léon-Maurice Nordmann au boulevard Arago
Je dis les promeneurs
Mais ils se font rares, on les entend venir par la porte qui grince
Je dis les promeneurs, mais ils ont perdu leurs habits d’époque, leur statut contemporain
D’ailleurs certains prennent place sur les bancs libres, comme si eux aussi voulaient assister à la représentation
La mésange bleue, en haut du tilleul, disperse son chant.
Le marronnier laisse le vent emporter ses feuilles, dans un ballet plus lent, tout aussi inéluctable.
Cette place qui représente le point zéro du monde.
Un papillon jaune citron tente ici l’aventure
J’hésite à me lever et dire : savez-vous qu’on est nulle part ?
Nous serions idiots de nous regarder dans le blanc de l’œil à ce propos
Mais un enfant prend le marron et le met dans une vieille main.
Les mésanges se sont réunies, et forment une cathédrale totale par les lignes imbriquées de leur chant
Les feuilles font les vitraux d’une église, dont les ombres marquent le sol.
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