Rien ne troublerait l’épaisse mémoire du lieu ; ni la carpe, ni les tanches, ni la mémoire du lieu. Je m’assois. Les sauts du poisson, des poissons, leur tête à queue, rafraîchissent la mémoire ; la mémoire des nuages, des platanes, et des couleurs parsemées sur la surface de l’eau ; à moins que ce soit la fontaine qui parsème la mémoire de ces couleurs naissantes, comme son eau descend les marches des bassins qui épousent la réalité concentrique de la pensée. Les touristes continuent de prendre les mêmes photographies d’eux-mêmes, et les langues étrangères ont succédé à celle de celles et ceux qui s’assoient et qui parlent du temps. Il y a toujours sur l’eau les salissures, mais je ne vois plus le poisson mort flotter à côté du reflet du vase. Un enfant se penche. J’aimerais pouvoir l’aider à faire sortir les poissons de l’eau comme l’enfant les appelle de ses voeux. Je ne sais qui je suis et la question serait un non-sens, mais je reconnais le lieu comme une partie de moi-même, je reconnais cette surface ; en elle je reconnais son épaisseur qui n’est pas hauteur et en elle je reconnais cette manière qu’a la vie de faire varier la vie ; la géométrie des arbres, de la lumière, du coeur. À cet instant un homme à côté de moi vient d’offrir une bague à l’élue de son coeur. Les étoiles sont des poissons morts, et la tanche fait varier la lumière.
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