Faire un selfie avec mon téléphone, même médiocre, me rappelle que je suis vivant. Je n’ai pas besoin de ce portrait pour savoir que je le suis. Mais il donne une image. Il s’agit moins de l’image que de l’acte lui-même, d’abord l’image puis rétroactivement le geste qui conduit à l’image. Ce geste n’est-il pas la somme des humains qui sur Terre chaque jour prennent un selfie ? Mon geste est dérisoire. Vaut-il plus qu’un portrait devant la Tour Eiffel ? Un portrait sur un lit d’hôpital, dans la lumière crue de la chambre, le visage pâlot. Ouvrons les volets. Rusons face au néant, tantôt d’une photographie, tantôt de notre disparition : laissons la lumière entrer.